Elle le dit avec brio
Comme il est difficile de faire confiance, je me protège coûte que coûte. Pour ne pas être obligée de renoncer, pour continuer de rêver, de m'illusionner. Je déroule mon fil, petit à petit, pour éviter les noeuds. Je tente de conserver mes envies de découvertes, réelles ou imaginaires sans dépendre de personne. Écoeurée, je lutte pour suivre mon rythme.
Cela fait longtemps que je me suis déprogrammée de la liste des bons élèves qui s'alimentent d'une soif de compétitivité pour mieux éliminer la concurrence et calculent le montant de ces besoins superficiels qu'on leur vend comme seule garantie d'un bonheur parfait. Ce que je vois autour de moi sont des ersatz de désirs et d'espoirs qui finissent toujours par me lasser et me laisser un goût amer. Je ne veux pas céder à leur schéma de pensée qui suscite le manque et le regret. Surtout ne rien dire, ne pas informer, ne pas expliquer afin de tuer les dernières tentatives de rébellion, les derniers soubresauts d'instinct de survie, tout ce qui pourrait nous faire prendre en main notre destin. Nous n'avons bientôt plus d'autres choix que la résignation et alors on se laisse couler, porter par le flot des beaux chemins qu'on a pris soin de tracer pour nous.
J'ai longtemps douté, jusqu'à l'angoisse, mais aujourd'hui, poussé par une force dont j'ai du mal à comprendre la cause, je tisse des volumes réguliers et harmonieux et j'espère concrétiser un jour cette forme idéale pour ne plus être contrainte de la dissimuler aux regards des autres, pour l'assumer – suffisamment – et la partager avec l'homme que j'aime.